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La justesse en musique n'est pas une notion absolue. On aurait tendance à considérer qu'on joue ou qu'on chante juste si la note produite correspond à celle qui est jouée sur un piano bien accordé. Toutefois, la pratique de la musique de chambre ou du chant choral montre que, pour qu'un ensemble "sonne juste", c'est-à-dire corresponde à une plénitude de son attendue par l'oreille, il est parfois nécessaire de monter ou abaisser légèrement certaines notes dans certaines parties. On s'aperçoit alors que la justesse est une notion toute relative, puisqu'une note juste dans un contexte ne l'est plus dans un autre. On invoque alors un certain "comma", qui expliquerait que les demi-tons ne sont en réalité pas tous égaux, contrairement à ceux d'un piano moderne, mais sans trop connaître les fondements de cette théorie du comma.

 

L'objectif du logiciel Tempéraments est de permettre aux musiciens, professeurs, étudiants ou élèves de découvrir par eux-mêmes comment, au cours des siècles, les musiciens ont tenté de résoudre cette problématique par l'usage de tempéraments divers pour accorder leurs instruments. Ils pourront aussi expérimenter par eux-mêmes d'autres solutions et en vérifier le résultat sonore.

 

Si depuis près de deux siècles le tempérament égal est le plus approprié pour interpréter la littérature musicale, il n'en a pas toujours été ainsi. Les musiciens pratiquant un répertoire plus ancien savent que des tempéraments anciens conviennent souvent mieux à la restitution d'oeuvres conçues à une époque où un clavier "bien tempéré" était loin d'être un clavier accordé au tempérament égal actuel. En fait, un tempérament, quel qu'il soit, n'est jamais qu'un compromis jugé acceptable pour l'époque à laquelle il correspond. C'est ce que tente de montrer le présent logiciel.

Pour en savoir un peu plus sur les tempéraments musicaux...

D'une manière générale, l'oreille humaine reconnaît comme pur l'intervalle entre deux sons dont les fréquences respectives sont dans un rapport simple (par exemple 1/2, 2/3). Ainsi, une note située à la quinte supérieure d'une autre paraît d'autant plus juste que sa fréquence est proche des 3/2 de celle-ci. Par exemple un Mi à la quinte juste supérieure du La 440 paraitra juste si sa fréquence est de 660 périodes par seconde.

 

Or, si nous empilons les quintes (échelle des quintes), disons à partir du Do, la 12ème quinte nous amène à la note Si#, qui sera un peu plus haute qu'un Do. C'est ici que commencent les problèmes pour les instruments à clavier, entre autres, car - à moins de construire un clavier de 36 touches par octave - il n'est pas possible de concilier la justesse des quintes et la justesse des octaves. Le Si# généré par la succession des quintes est 1 comma pythagoricien plus haut que le Do ; c'est la définition du comma pythagoricien.

Prenons les choses par un autre bout. Nous savons que les premiers harmoniques naturels d'une note sont l'octave, la quinte, la double-octave, puis la tierce augmentée de 2 octaves, etc... Ces harmoniques sont, pour les premiers et par définition, dans un rapport simple par rapport à la note de base, et donc très consonants à notre oreille. Supposons que nous prenions les harmoniques naturels du Do. Le 4ème harmonique est un Mi. Ce Mi peut aussi être obtenu comme étant la 4ème quinte de l'échelle des quintes à partir du même Do. Hélas, ces deux Mi ne sont pas les mêmes : ils sont même très différents, étant distants l'un de l'autre d'un comma syntonique (ou zarlinien), c'est la définition de ce comma.

Si nous tenons compte de ce 2ème problème, même un clavier à 36 touches par octave ne suffira pas pour jouer des tierces pures - nous préférons ici le terme "pur" à "juste" pour éviter la confusion avec la qualification des intervalles.

 

Il faut donc se résoudre à un compromis, c'est-à-dire le tempérament. On s'en tient à 12 sons et on les accorde de manière à ce qu'ils soient les plus proches possibles des consonances souhaitées en fonction de la musique à jouer. Ces notions de justesse ont évolué selon les époques. Des musiciens et théoriciens ont essayé de trouver le meilleur tempérament : mission impossible, car le tempérament qui est le meilleur pour une oeuvre, pour une tonalité, ne le sera pas pour une autre. Depuis le 19ème siècle, le tempérament égal s'est imposé comme étant le compromis le plus acceptable. Néanmoins, pour les instruments anciens, ce tempérament n'est pas celui qui s'adapte le mieux à la majorité des oeuvres qui leur sont destinées.

 

Encore un mot sur le comma : celui qu'on enseigne à l'école n'existe... qu'à l'école, il n'a pas de réalité musicale. Il est le fruit d'une spéculation astucieuse de son inventeur, W. Holder (1614-1697), qui, en divisant l'octave en 53 parties, est arrivé à une valeur de comma qui n'est pas loin de la moyenne des différents commas naturels. Cette construction mathématique permet de faire des calculs de contenances simples, mais n'est pas tout à fait conforme à la réalité. Si son système est assez proche de ce qui est ressenti comme "juste" pour des intervalles mélodiques, il ne fonctionne plus du tout pour les intervalles harmoniques où, contrairement à la théorie de Holder, un Sol dièse peut être plus bas que son enharmonie, le La bémol. Notamment parce que la tierce majeure pure, par exemple, est beaucoup plus petite que la tierce qu'on obtient dans le système de Holder ou dans le tempérament égal.

 

Pour terminer, quelques chiffres et unités mesurant les intervalles :

  • 1 cent = 1/1200 d'octave = 1/100 de demi-ton tempéré égal

  • 1 comma pythagoricien = 23,5 cents

  • 1 comma syntonique = 21,6 cents

  • 1 comma holderien = 22,7 cents

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